Jardin secret
Il s'accroche aux brins d'herbe mais l'herbe est trop fraîche, il glisse.
"Je me laisse tomber".
Il se laisse tomber.
Gouffre joyeux et coloré, néant de lumière, une lumière aveuglante.
"J'y suis".
Il y est.
Là, le cul à terre, ou est-ce la mer? Ou est-ce le ciel?
Bon dieu qu'il est bon de ne plus savoir.
"Bon dieu, qu'il est bon de ne plus savoir".
Un cri. C'est lui-même qui se souvient.
"J'ai oublié quelque chose".
La casserole sur le feu, la porte restée ouverte, les clés dans sa chaussure.
"Les clés dans ma chaussure".
Il les sort et ouvre toutes les portes qui se trouvent à sa portée.
Une petite garce se présente à lui. Pourquoi serait-ce une garce?
Une petite fille se présente à lui. Si petite?
Une fille se présente à lui.
Un gnome. Une fée. Un être fictif et délirant.
Une grande aspiration le retient, immobile, le cul à terre, au fond de ce gouffre de beauté.
Il s'étire, fait rouler ses yeux dans tous les sens.
Il éclate d'un rire franc qui résonne dans sa grotte intérieure.
Toutes les portes claquent, sourire brisé.
Hors-temps, temps, temps..
"Et puis merde, tant pis".
Il s'accroche à tous les barbelés, les tire, s'y arrache la peau, y laisse un peu de lui.
Et il s'y retrouve.
"Je m'y retrouve".
Aveugle, ensanglanté, humide et froid.
Froid, gelé, congelé.
"Brrrrrrrrr..."
L'instant qui sommeille dans la glace.
Minuscule trou atemporel duquel on peut distinguer des fibres de la réalité.
"J'y vois le soleil".
Il voit le soleil. Y voit le soleil.
Mais il préfère son monde imaginaire.
Il préfère ses déchirures. Plaies rosées qui lui indiquent comment reprendre son histoire à l'envers.
Il recommence. Comme un enfant fou qui refait des tours de manège.
Boucle arc-en-ciel, dans sa benne à merveilles..
"Dans ma benne à merveilles"