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Kaléïdos-coop
18 février 2013

Fat luxe

Une ampoule vient de griller. On m’appelle aussitôt. Les verres cassés, les plombs qui sautent, les chiottes bouchés c’est toujours  pour moi. Quand je suis arrivé tout candide à Paris il y a près de deux ans, je pensais décoller assez rapidement. Je pouvais assumer ce rôle ingrat en attendant que des opportunités se présentent mais je suis fatigué maintenant et je me sens amoindri . Dans mon patelin beaucoup me disaient que j’avais du talent à revendre mais je n’ai pas trouvé preneur pour le moment, la concurrence est rude.

Pierrick m’a bien gentiment prié de m’occuper de ce problème d’éclairage.  Jamais il ne bougera de derrière ce foutu zinc celui-là, tellement fier de faire partie du décor. Il sert de temps à autres un cocktail avec cet air détaché, signe de respect ou de dédain je ne sais pas, tout dépend de quel point de vue on se place. Vu d’ici je le hais. Il n’est pas plus gradé, ni mieux payé que moi enfin il me fait bien sentir qu’on ne joue pas dans la même cour. Pour le moment je l’écoute j’exécute : il s’entend plutôt bien avec le patron et j’ai  besoin de bosser.

Je cours à la réserve chercher l’escabeau et une ampoule. A vis ou à baïonnette au fait? Pour le culot de ce tocard les deux seraient tout indiqués en tout cas.

J’arrive en salle : tout est lent, personne ne semble pressé,  les gens ont les moyens d’avoir le temps.  Moi je ne m’arrête jamais, on me sollicite en permanence, je ne vois pas le bout de mes journées. Pourtant je dois me rythmer sur la musique d’ambiance pour ne pas créer d’interférences, ne pas heurter la clientèle. Jazzy, house, lounge. Donner l’illusion de la lenteur est une vraie torture.

Je grimpe avec élégance sur l’escabeau. Sûr que je fais tâche dans le décor mais personne ne me regarde de toute façon, ce numéro de pingouin équilibriste n’intéresse personne. Il n’est pourtant pas sans risques. Pas de roulements de tambour, je n’existe pas, du moins pas plus qu’un de ces fauteuils ou un de ces lustres auquel je finirais peut-être  par me pendre un jour. 

 Les clients viennent se pavaner dans la déco chic et sobre mais s’il y a de la beauté à prendre ici, sûr qu’elle m’appartient. C’est moi, juché sur cet escabeau  dans mon costume sans plumes rêvant de prendre mon envol. Que la lumière soit ! Et la lumière fut!… dans mon patelin ils auraient sûrement applaudi... 

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Commentaires
A
KLASSS, si peu lounge inside.
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