Scène tragique de la découverte de la lettre d’adieu.
A papa.
Sache
que c’était mon choix, pas le tien.
Le
dernier geste de ta fille, un être en proie au désespoir. Exhalant sa défaite, son
renoncement. Exaltant la mort, la tristesse. Semant la tourmente dans ton cœur,
à tout jamais. Je présume.
Tout
ça c’est pour toi, papa. Toi qui n’a pas su, n’a pas cru, n’a pas voulu,
soulever le voile d’une tristesse à bâtons rompus, la mienne. Celle qui me
faisait tant souffrir, qui me donnait ces airs de chienne battue, de pauvre
enfant. Car dans le fond je l’ai toujours été, ton enfant. Une chose que tu
voulais protéger, la brebis que tu ne voulais pas voir s’égarer. Maintenant
sacrifiée.
Bafouée,
sous l’autel de l’incompréhension, sans doute. Enfin pour toi. Toi qui voulais
faire de moi une chouette nana. Toi qui a oublié, que la mode n’est pas un tout
mais un atout, quelque chose d’éphémère, un peu comme la vie. Quelque part. Qui
t’as fait perdre la vue, peu à peu à toi papa, toi, obsédé par le quand dira t-on, par la
volonté de faire disparaître cette fille, ta fille, que tu trouvais trop
grosse. Trop boulotte, incapable de trouver un boulot, de stabiliser sa chienne
de vie.
Je
crois maintenant savoir que j’ai gâché quelque chose à tes yeux : la
promesse que tu t’es faite, papa, de me voir enfin voler de mes propres ailes…
Tu
pensais que j’avais la vie devant moi ? C’est vrai que j’étais si jeune…
Mais mon âme se sentait vieillie. Et ça tu n’as pas su le voir, car tu n’as pas
su lire entre mes lignes, correctement. Tu disais que nous étions fusionnels,
pourtant…
Alors
pourquoi n’as-tu pas su anticiper ? Serait-ce ton acharnement qui t’a
handicapé ?
Tant
de questions qui demeureront sans réponse à présent, papa, car je suis morte.
Et toi encore en vie. Vous aurez sans doute encore un peu de temps devant vous,
maman et toi, pour comprendre ce suicide. Et toi de reconnaitre tes erreurs.
Puis de les regretter. Pour finir par t’améliorer. Et te reconstruire. De ne
pas faire la même chose avec Pierre (je ne m’en fais pas pour lui). Et de te
relever à nouveau.
Là si t’y
arrives, papa, pense à moi. A moi ta petite fille, dans d’autres cieux,
d’autres horizons. Et si c’est trop dur pour toi, oublie-moi. Dans d’autres
lieux, d’autres perceptions, que la douleur t’imposera certainement. Cette idée
d’injustice et d’enlèvement. Puis de néant.
Ta fille,
Antigone.