Dernières volontés
Quelle sensation étrange...Mon corps git là, mais mon âme reste éveillée. Je suis morte. Dans quelques heures ils me trouveront, et seront probablement surpris, car la mort m'a attrapée jeune; l'usure de la vie probablement... Une vie à survivre, pour manger, pour avoir un toit, pour exister en tant qu'individu, pour aimer, pour se faire aimer. J'ai pensé tant de fois à mettre fin à mes jours, en finir avec cette souffrance cristallisée dans mon corps. La peur de l'irréversible a eu raison de mes pulsions. Maintenant que c'est chose faite, je suis terrifiée: je ne peux plus bouger, je ne peux plus parler...J'avais encore tellement de choses à dire, tellement à faire! Rendez-moi ma vie, pour quelques heures, quelques minutes, quelques secondes! Laissez-moi faire tout ce que je n'ai pas osé quand j'avais encore quelque chose à perdre!
Laissez-moi briser ce silence respectueux qui empêche de dire aux gens ce que l'on pense vraiment d'eux: laissez-moi dire à cette mère absente combien ses choix de vie me répugnent; à ce frère violent combien j'aimerais lui éclater la gueule; à ce père que je suis prête à pardonner ses erreurs; à cette soeur combien je l'aime malgré son fichu caractère; à ce patron que l'humanité est bien plus importante qu'un travail; à notre président que ses choix condamnent notre pays à crever, et lui à finir tout seul comme un con...
Laissez-moi dire à mes amis combien ils ont éclairé ma vie, combien chaque instant a été précieux, combien leur absence me pèse...
Et surtout...Laissez-moi lui dire, à lui qui ne le sait pas, combien je l'aime, combien je le désire, combien de fois j'ai rêvé d'unir mon corps au sien. Laissez-moi voler à la vie cet instant de plaisir quelles qu'en soient les conséquences, puisqu'elles ne me concernent plus...