Mademoiselle maîtresse
Haut perchée sur ses talons, tête toute haute, mademoiselle maîtresse déambulait dans les rues, amusée, de voir toute une armée d'hommes à ses pieds. A croire que son pouvoir de séduction la rendait rayonnante et sûre d'elle. Mais elle s'en foutait, disait-elle, de toute cette horde de machos sans scrupules, friands de nachos et de Mentos. Menteurs à leurs heures, adeptes du leurre, heurtant leurs mots avec habileté, tout cela pour avoir l'heur de lui plaire, le pouvoir de la conquérir. Mais par dessus tout, ce qui rendait mademoiselle maîtresse heureuse, c'était de se savoir indépendante, libre, non soumise aux prises de bec répétées d'un mari jaloux, qui aurait bien voulu la voir tendre la joue, ou bien encore, être sous son joug. Elle faisait fi de tout. Elle n'hésitait pas, ne lésinait pas sur les heures de travail. Elle savait y faire avec ses adversaires, ne les caressait pas dans le sens du poil. Les voir dans la poêle à frire lui prêtait un air sardonique, voir sadique. Était-elle réellement en train de jubiler, de savourer une quelconque victoire ? Oserait-elle ?
Non, me direz-vous. Car s'il manquait bien une chose à mademoiselle maîtresse, c'était l'amour. Le vrai, celui qui ne s'estompe pas au fil du temps, et qui se joue de tous les tourments. Le pur, celui qui vous apaise, qui devient un repaire pour vos larmes, un coin tranquille pour vos passions, et pour les espérances qu'oseraient vos âmes...
C'est pour cela que mademoiselle maîtresse pleurait chaque soir, lorsqu'elle se retrouvait seule, une fois rentrée à la maison. A se confesser, à raconter sa piètre vie sentimentale, infertile, à son pauvre chat, tout en déchaussant ses talons. La solitude la pesait, la rendait triste de l'intérieur. L'opposé de ce qu'elle transmettait une fois à l'extérieur. Elle n'était plus qu'un cœur de verre dans un corps de pierre. Une chose inerte, n'attendant plus que le signe du destin, pour lui redonner goût à la vie.