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Kaléïdos-coop
30 octobre 2007

Instantané

voiture_n_bIl est là! Il n'a pas bougé. A croire même qu'il m'attendait. Ce que j'aime par dessus tout c'est qu'il m'accueille quand je rentre enfin chez moi. Quand j'emprunte la dernière ligne droite, celle bordée de charmes, de fleurs sauvages et de mûriers. Je cesse le temps d'un temps d'appartenir au temps qui passe. L'horloge s'arrête, les aiguilles s'immobilisent, le tic-tac mécanique cède enfin la place au silence. Pas ce silence angoissant qui nous conduit impunément à tendre l'oreille pour capter une preuve tangible que la vie continue d'exister. Non. Pas ce silence qui une fois interrompu par un claquement de porte ou un klaxon de voiture nous fait sursauter. Non. Pas ce silence là. Ce silence que nous cherchons souvent sans vraiment réussir à le trouver jamais. Ce silence apaisant, ressourçant, nécessaire. Celui qui nous permet presque d'entendre nos battements de coeur, et mon coeur là, il bat fort. Comme au premier jour.

Je continue d'avancer, le pilote automatique fait le reste; je ne saurai même pas comment j'ai réussi à faire cette manoeuvre si délicate pour ne pas abîmer la voiture. J'avance, je suis dans un état second; j'ouvre la portière et la referme le plus discrètement possible. Je ne veux pas rompre la magie de l'instant; je marche presque sur la pointe des pieds. Ils foulent le même chemin depuis tellement de temps. Mes pas restent silencieux mais maintenant je tends l'oreille. J'écoute et j'attends... Je m'arrête. Je ne les entends pas encore. Je ferme les yeux. Je pourrais même avancer les yeux bandés. Colin Maillard! Chat c'est toi l'chat! Dis on joue à la marelle?! Ca y est! Enfin ils sont là! Je savais qu'ils ne me laisseraient pas tomber cette fois-ci encore. Fidèles au rendez-vous. Les vieux souvenirs, les pommiers au mois d'août dans lesquels nous grimpions, incapables de réussir à contenir notre envie de croquer dans une pomme aussi verte qu'elle était acide! Nous la mangions en entier, par fierté! C'est bon! Nous courions, hurlions, riions... A peine le jeu fini qu'un des nôtres lançait une nouvelle idée, un nouveau défi... Lieu de toutes les libertés. Ecouter le nombre de coups sonnés par le clocher pour savoir combien de temps il nous restait avant de retrouver les plus grands, les plus vieux, les plus anciens pour s'attabler ensemble et raconter chacun notre tour nos exploits les plus incroyables. Et puis les anciens ont disparu les uns après les autres, pas forcément dans l'ordre d'ailleurs. Des fois l'ordre naturel des choses était contrarié par la vie elle-même. Qu'elle peut se montrer garce parfois celle-ci... Moins d'assiettes à mettre. Moins de vaisselle à laver. C'est vrai finalement qu'un lave-vaisselle aurait été inutile. La toile cirée s'usait moins. On la changeait moins souvent. Les places des derniers vivants se repéraient aux coloris qui s'estompaient à certains endroits. Et plus les anciens mouraient, plus nous grandissions. Quand nous eûmes fini de grandir, ce fut à notre tour de vieillir. Mais ce lieu là reste hors du temps. Il ne vieillit pas. Chaque fois que je reprends la route pour venir ouvrir les fenêtres au début du printemps, tout le monde est là. Et chaque fois que j'arrive au bout de la dernière ligne droite bordée de charmes et de mûres, je me dis que c'est peut-être la dernière fois que je viendrai. Alors j'ouvre grand mes yeux, grand mon coeur et mes oreilles, et je vous retrouve tous mes chers fantômes. Je vous entends comme si nous ne nous étions jamais quittés et je pose mon regard sur lui qui m'attend patiemment d'une saison à l'autre. Sans bouger. Sans trop rouiller non plus d'ailleurs. Et je me dis qu'il est bon de rentrer encore une fois chez soi.

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Commentaires
A
Touché...
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R
Le chat machin chose et Littlssimon> merci à tous les deux... vraiment...
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L
Alors que je n'ai que 30 ans, j'avais l'impression d'en avoir 85, j'ai totalement plongé dans ton texte, et plané plusieurs minutes dans tes mots. <br /> J'a pas envie de redescendre. Merci.
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L
Beau, émouvant... vestiges de l'enfance à roulettes en pleine face... le rire des cousins, debout sur les pédales da la Ferrari rouge rouille, désarticulée... 12 coups au coeur à l'horloge du souvenir. Merci.
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