Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Kaléïdos-coop
22 avril 2010

Au plaisir des yeux

     Comme tous les jeudis matins, elle se prépare à partir avec cette impérieuse envie de se purifier. Le jeudi c’est son jour, elle part d’un pas décidé retrouver sa meilleure amie, et toutes deux remontent les ruelles labyrinthiques sans ne jamais se perdre. Elles saluent au passage les femmes qu’elles croisent. Elles discutent de tout, de rien, des récoltes et des enfants. Récemment des inondations ont emporté des villageois, les éléments ne se déchainent pas sans raison. Il leur faut veiller au grain.

Elles parviennent à l’endroit habituel, et après leur avoir souhaité que la paix soit avec toi, elles rejoignent les autres femmes arrivées avant elles.

L’odeur familière de l’eucalyptus se répand jusque dans la rue. Elles se déshabillent, et une fois totalement nues, elles se dirigent vers les douches, afin de mieux apprivoiser l’eau en compagnie de laquelle elles vont passer quelques heures.

Elles se rendent alors dans la première salle aux mosaïques bleues et blanches. La vapeur de l’eau les cueille immédiatement. Toutes les tensions accumulées pendant la semaine se relâchent instantanément. Elles interrompent leur conversation naturellement, chacune profitant de ce moment pour se retrouver à son propre rythme. Elles savent que si elles n’en sortent pas à la même heure elles se retrouveront plus tard dans la journée, si Dieu le veut.

La plus jeune se rend dans la seconde salle, plus chaude encore. Elle sent avec volupté les pores de sa peau s’ouvrir l’un après l’autre et les toxines disparaître dans l’eau fraîche dont elle prend soin de s’arroser à l’aide d’un bol en maillechort. Le métal martelé brille et lui lance des reflets argentés. Le rituel la rassure, c’est une sorte de voyage intérieur, à chaque geste correspond une destination. Elle se saisit de son gant de gommage et du savon noir. L’odeur de l’eucalyptus lui pénètre plus vivement les narines, elle sent le savon fondre sous ses doigts qu’elle a préalablement plongés dans un bol d’eau chaude. Elle enfile sa main dans le gant rugueux qui finira de nettoyer sa peau. Son amie passe près d’elle et lui chuchote dans l’oreille, tu n’as pas un peu minci toi ? Elle sourit. Elle est contente qu’elle s’en soit rendu compte. Son mari lui s’en réjouit moins. Il aime ses formes rondes et généreuses.

Elle se glisse dans la dernière salle, le plus chaude des trois. Elle se rince et passe délicatement le loofah sur sa peau. Elle a chaud, mais elle se sent bien, détendue, propre, pure… Elle se rince une dernière fois à l’aide d’un bol rempli d’eau chaude à laquelle elle a ajouté de l’eau de fleur d’oranger. Elle aime cette sensation quand l’eau lui glisse de la racine des cheveux jusque le long des jambes…

Puis elle s’essuie, se sèche et démêle ses cheveux longs et noirs. Quelques gouttes d’huile d’argan mélangées dans le creux des mains pour nourrir la pointe de ses boucles, encore un peu pour le visage et le corps. Elle nourrit son corps après l’avoir purifié. Elle sent la douceur de sa peau sous la pulpe de ses doigts, elle adore ça.

Elle se rhabille lentement, retrouve doucement l’usage de la parole, son amie l’a rejointe entre temps. Elle sourit quand elle voit les joues rouges de cette petite fille d’à peine trois ans enrubannée sur le dos de sa mère. Elle songe aux poupées russes. Elle termine de s’habiller en revêtant une longue jupe, une ample tunique prune aux manches longues et finit par se voiler de son niqab.

Le seul homme qui aura le privilège de voir combien elle est belle sera son mari qui rentrera ce soir, si Dieu le veut.

Publicité
Commentaires
M
très poétique et très joli, bravo!
Répondre
R
merci à toi :)
Répondre
H
c'est très doux et délicieusement érotique, très beau texte, merci.
Répondre
Kaléïdos-coop
Publicité
Derniers commentaires
Publicité