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Kaléïdos-coop
6 décembre 2009

Banana Spleen (5)

{Le début est ici}

   Je ne trouve pas le sommeil. Les images défilent sous mes yeux. Un diaporama se déroule sous mes paupières mi-closes. Je vois les bons et les mauvais moments. Je perçois des sourires et des larmes. J’entends des chuchotements, des promesses, et des cris. Tout se mélange. Mon cœur bat trop vite, je mords l’oreiller pour ne pas hurler. Est-il un monde dans lequel il ne faut pas forcément payer ses erreurs et ses mauvais choix ?

Je repense à celle que je n’aurais jamais dû laisser, je l’avais rencontrée au mauvais endroit au mauvais moment. J’avais dû me tromper de gare et d’heure. Je l’avais laissée prendre son train sans même chercher à la retenir. Je ne me le suis jamais pardonné. Qu’importe. Jamais son sourire ne s’est effacé de ma mémoire. Elle était là, en moi, pour toujours et à jamais. Elle ne le saurait pas voilà tout. Il fut des moments où je voyais à travers ses yeux. Je savais ce qu’elle dirait, j’imaginais nos échanges. Et ça me suffisait. Je regrette parfois quand même qu’elle ne puisse pas me le dire de vive voix. Mais bon. Dans ces moments-là je m’interroge. Dois-je m’interdire de vivre pour autant ? Je n’aime pas cette idée de double peine. Son absence est déjà douloureuse. Si en plus je renonçais à tous ces petits bonheurs que cette garce de vie m’offre parfois, juste pour me rappeler qu’après tout je suis en vie. En vie. Envie ? Envie d’aller voir la mer et de perdre mon regard au bout de l’horizon. Le mien est trop bouché. Je ne vois rien. Mes idées sont trop confuses, elles se bousculent et je ne peux pas faire confiance à mon discernement. J’ai chaud, j’ai froid, je frissonne. Je n’en peux plus.

Je me lève sur la pointe des pieds, et rassemble mes affaires. Je passerai chez moi en prendre d’autres. Je saisis dans le premier tiroir de mon bureau un crayon mâchouillé et une feuille de papier d’écolier. Ne t’inquiète pas, je ne dormais pas, je vais faire un tour, je t’appelle dans la journée, à tout à l’heure. Je dépose le papier sur la table de la cuisine, bien en évidence.

Je ferme la porte derrière moi précautionneusement. J’entends le chat miauler derrière la porte. Pourvu qu’il ne la réveille pas, elle ne se rendormirait pas, et m’appellerait aussitôt. Je ne suis pas certain d’être en état de lui dire des choses sensées. Pas maintenant.

Je m’installe derrière le volant, et ferme tout doucement la portière, comme si son claquement pouvait la réveiller depuis la rue. Je mets le contact, allume les phares, et démarre : sans vraiment y réfléchir je m’engage sur une bretelle d’autoroute. Je lis un panneau qui annonce Direction Caen. C’est donc par là l’horizon ? Je l’appellerai arrivé sur place. La route est sèche. Il n’y a pas grand monde. J’y serai dans moins de trois heures. Je mets la radio. Et je cesse enfin de penser. C’est un début.

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