Mauvaise impasse
Entre toi et moi, je crois que ça va mal finir. Notre histoire traverse une mauvaise impasse. On se dirige doucement vers la fin. A pas feutrés.
Enfin, c'est surtout toi qui t'en vas. D'ailleurs, c'est toujours toi qui t'en vas. Tu prétends que c'est pour ne pas me faire de mal. Une crainte de mal faire dans des pas de velours, en somme.
Il faut dire que tu te trimballes une sale réputation. Déjà quand j'étais petit, ma maîtresse me disait que t'étais la source de tous nos malheurs. Qu'il suffit que tu traînes dans les parages pour qu'une connerie soit faite. Et pourtant, t'es pas responsable des économies d'échelle qui brisent un grand nombre de vitres. Mais que veux-tu, les hommes ne sont pas rationnels, et le bouc-émissaire est vite trouvé.
Il parait que la nuit, vous êtes tous grivois. Mais toi, tu portes ta robe noire avec élégance. Une robe de soirée qui s'accorde parfaitement avec ton regard persan dans lequel je me noie. Tu es mon chat, beautée. Tu dresses l'oreille, attentive à chaque murmure, frôles les murs en douceur, avec ta démarche de chat loupé, traverses la vie en souplesse. Je crois même que traverser celle-ci ne te suffira pas, il t'en faudra bien d'autres pour assouvir ton besoin félin de faire tomber les murmures.
C'est pas parcequ'on est pas du même monde qu'on n'a pas le droit d'être ensemble. On s'en fout du regard des autres. Oui, on s'en fout. On est libres. Libres de se chamailler, de se courir après comme des adolescents, de jouer à chat-perché même, si on veux. On est libres, mais je sais que c'est illusoire, parceque je te fais peur, je le sens. Que ta décision est prise.
Alors aujourd'hui tu t'en vas. Je te regarde me quitter une fois de plus avec l'espoir que demain, tu sois à nouveau devant ma porte. Tu pars, sans effusion de sang qui ment, sans un regard. Es-tu à l'affut d'une nouvelle proie, un nouveau pigeon qui tombera entre tes griffes? J'espère que je suis ton unique victime...
Je sais que je ne peux rien faire pour te retenir. Tout ce que je dirai te fera aller encore plus loin de moi. J'aimerais pourtant que tu me revienne. Parceque tu sais, le chien aboie et le chat ravit l'impasse.