SOS d'un bouquin en détresse

Je suis une rêveuse. Je sens parfois une forme d'énergie paralysante parcourir mon corps. Elle m'envahit, m'empêche de me concentrer, de me centrer, de me contenir. Le besoin de rêverie et de transmission me pourrit le sang. Mon coeur et mon esprit battent d'un seul espoir, celui de vivre intensément. Je voudrais me fondre dans un roman prenant. Devenir le personnage qui pleure et qui aime, le décor, le titre, l'auteur et l'histoire. J'aime lire le sang couler. Les larmes arracher les joues trop rosées. Comme si j'y étais. Pas les grandes guerres, pas l'Histoire, non. Des petites histoires de petites gens qui vivent plus que le reste du monde. Ce sont eux, que j'envie. Leur énergie, que je dévore, page après page. J'envie la concentration de leurs émotions. Je veux m'en abreuver, m'en saouler. Je suis une passionnée sans autre passion. Je voudrais m'incarner dans les mots d'un autre. Des mots acides ou écoeurants. Des mots poivrés et étouffants. Des bouffées de vie. Des éclats d'univers. De l'essence des autres. Des tripes du monde. Je voudrais interpréter la vie, tournoyer, tomber. J'aimerais me sentir vin. Vinification. Processus. Transformation. Bouillir, me noyer. M'asphyxier et ressusciter. Mourir trente fois de haine ou de rire. Sentir le poids des pages. Les doigts sales du lecteur. Être la page. La matière. Me refermer sur une fin de phrase. Me faire corner. Froisser. Marquer. Je veux finir ma vie de livre déchirée. Disloquée d'avoir été trop lue. D'avoir nourri des fantasmes de prudes et d'impudents. D'être libres ou malsains. Être passée de main en main. Avoir été abandonnée. Détestée. Relue. Offerte. Avoir empiété sur la nuit d'un roi. D'une reine. Avoir été la passion, objet de ses désirs. Avoir suscité l'envie de luxure. La faim. La perte et l'interrogation. La lassitude. Avoir fourvoyé le lecteur trop averti. Avoir captivé l'inattentif. Avoir dupé l'intègre et ravi le triste sire. Bousculé l'ordre établi. A coups de phrases et d'exemples malhonnêtes. Un personnage, une pirouette ne faisant pas plus foi que le planqué de la poste. Renvoyé le certain face à ses contradictions. Dérangé. Bouleversé. Retourné. Ennuyé. Agacé.
Tournez mes pages. Jetez-moiJetez-moi dans vos sacs négligemment. Oubliez-moiOubliez-moi dans un tiroir, sous un lit. Faites-moi prendre la pluie. Posez-moi sur la terrasse d'un bar. Sur le siège d'un train. Laissez jaunir mon papier à la lumière. Faites de moi ce que vous voulez, mais faites-moi vivre. Vibrer. SORTEZ-MOISORTEZ-MOI DE LA !

Comments

[Rachbel]

J'adore! C'est comme ça que je traite mes préférés!

[Rouge]

et c'eût été dommage que tu ne le fasses pas du tout!!!

[incredibleMe]

l'histoire d'une gonzesse incapable de poster dans les temps ...