Le monde d'une statue

27 décembre 2007

Je vois bien que ce monde n'est plus comme moi.
Les choses ont changé.
Avant, on pouvait inculquer à la population une forme de discipline, d'ordre. Les enfants entraient en classe en rang par deux, et n'auraient même pas eu la plus petite once d'idée de vouloir contredire leur maître. Maintenant, en plus de me pisser dessus et de graffer "Fuck the police" sur mon piedestal, ils volent, crèvent les pneus de leur prof s'ils ont eu une mauvaise note, et se font virer de cours très régulièrement. Je le sais, il viennent dans ce parc quand ils se font virer ou sèchent les cours. Et moi, je suis là, immobile à les regarder, et je reste là, parce que je ne suis plus de cette époque, et que je ne peux plus rien faire.
A regret.
Pourtant, ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Et j'y suis arrivé en mon temps. J'ai fait régner l'ordre, et la discipline.
Et aujourd'hui, je ne peux que constater la dégénérescence du monde, et pas seulement de ces jeunes qui me pissent dessus. L'humain ne croit plus en rien, se limite à piller le monde, à surexploiter ses ressources jusqu'à les épuiser totalement. Il n'y aura bientôt plus rien à exploiter. L'homme domine, contrôle, dirige, gère, pose des quotas et des lois, impose une stratégie et un axe d'évolution mais au bout du compte, ne va nulle part. Je n'étais pas de ceux là.
Ce monde est en perdition. Et je suis en colère. Je sens vraiment la colère monter depuis quelques années. Et je crois qu'elle est en train d'émietter la pierre dans laquelle je suis enfermé. Mon bras se libère doucement. Tout mon corps est en train de reprendre vie et je sors enfin de cet hiver minéral.
Alors je descends de mon piedestal. Je reste droit.
Je lève mon bras droit devant moi, doigt tendus vers l'avenir, et claque mes talons.
Ca marche encore, comme avant.
Allons remettre le monde en ordre.