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Kaléïdos-coop
28 novembre 2007

Lundi matin

Ce matin-là, en panne de clopes, comme souvent le lundi, vous vous arrêtez dans le tabac qui est sur votre route, avant d’aller bosser. Et puis des fois, il vous arrive d’en profiter pour commencer la journée de façon très très égoïste en vous accordant ces quelques minutes que finalement vous ne volez à personne en particulier : vous commandez un expresso. Petit plaisir minuscule du matin : une clope, un café et votre solitude trompée par les conversations qui fusent de ci delà. Alors forcément vous tendez l’oreille, vu qu’une fois de plus vous avez oublié de recharger votre iPod. Depuis des lustres vous vous dites aussi qu’il faudrait glisser dans votre poche un carnet pour noter ces quelques brèves de comptoir collectées le temps d’un instant dans votre mémoire vive. Quelques minutes plus tard, vous les aurez oubliées et le regretterez… Mais vous êtes fidèle à vous-même : votre distraction fait partie de vous et vous avez fini par renoncer à vouloir lutter. Vous vous acceptez dès lors comme vous êtes… Ce n’est pas si mal finalement… Même si votre distraction, qui n’est plus simplement légendaire mais bien réelle, pourrait de temps à autres enquiquiner votre petit monde… Ils vous aiment ainsi… Le plus difficile fut qu’ils s’en convainquent eux-mêmes !

Alors ce matin-là, vous vous accordez cette pause, douce façon de démarrer une longue semaine laborieuse… Mais ce matin-là, les conversations sont discrètes, certains lisent le journal, d’autres ne sont pas venus … partis plus tôt pour essayer d’attraper un train ou restés chez eux pour n’avoir pas à sacrifier le peu d’énergie qu’il leur reste dans l’attente insupportable et glaciale dans les courants d’air des quais de gare… Votre oreille ne capte rien de captivant, alors ce sont vos yeux qui prennent le relais… Vous ne supportez pas de boire un café juste en tête à tête avec votre clope : pas assez de conversation la peste. Alors vous embrassez la salle de votre regard et là, enfin, vous la voyez… Elle est petite, la peau de son visage est empreinte de maints sillages qu’elle a dû parcourir à travers le temps, un rouge à lèvres trop voyant, des lunettes toutes rondes qui lui glissent sur le bord du nez…. Jamais vous ne l’aviez remarquée avant ce matin-là… Est-ce la première fois qu’elle vient ici ?  Ou bien ne l’aviez-vous jamais remarquée auparavant à cause de l’animation habituelle ? Ou bien vient-elle d’habitude à un autre moment ? Un autre jour peut-être ? Et vous voilà en train de vous interroger dans un long monologue intérieur et stérile puisque personne, non, personne ne répondra à vos questions indiscrètes et silencieuses… Et puis vous remarquez ce petit carnet à spirales près de sa tasse à thé déjà vide… et vous vous demandez ce qu’elle peut noter dessus ? Les brèves de comptoir que vous auriez aimé écrire vous-même ? Plus fanée que vous mais moins distraite ! Ou bien couche-t-elle sur le papier ces petits riens qui lui traversent l’esprit, ces petites choses qu’elle oublierait aussitôt qu’elle aurait fini d’y penser (un peu comme vous !) ? Elle a un regard absent… pas triste… non… mais elle semble ailleurs… Vous remarquez qu’elle ne sucre pas son thé, comme vous ne sucrez pas votre café… En même temps qui s’en soucie ? N’y a-t-il pas un moment seulement où vous pourriez laissé votre esprit au repos au lieu d’être sans cesse en train de cogiter… cogito sum… Je pense donc je suis, votre manière à vous d’exister ! P’tain qu’c’est fatiguant parfois ! Vous aimeriez tant faire le vide tout comme votre tasse qui l’est désormais, vous avez bu votre expresso presque froid, comme d’hab’ ! Forcément vous réfléchissez le temps que votre café trop chaud refroidisse et vous l’oubliez ! Du coup chaque fois ça vous fait le coup, il est froid ! Et puis comme d’habitude d’ici quelques minutes, vous aurez besoin d’aller aux toilettes : le second effet kiss cool du café ! D’où votre hésitation à boire un café lorsque vous prenez la route… Enfin bref, ça aussi tout le monde s’en fout ! Sauf vous ! L’envie pressante se fait déjà sentir… Elle n’aura pas perdu de temps ! Vous regardez votre montre, ça va, vous êtes dans les temps, vous pouvez vous accorder ce dernier détour… Vous vous levez, repérez la porte avec une p’tite bonne femme en jupe dessinée dessus et vous dirigez dans la bonne direction… Vous vous réjouissez secrètement de pouvoir saisir l’occasion qui vous est offerte gracieusement : vous jetterez un coup d’œil sur le carnet à spirales en espérant qu’elle n’écrive pas à l’encre sympathique ! Mais non… En vous approchant vous devinez déjà des caractères bleu ciel… la couleur presque délavée de ses yeux qui ont dû trop en voir… Comme elle doit en avoir des histoires à raconter cette petite dame trop maquillée à la manière d’une coquette qui n’y voit plus trop dans le miroir !

Vous frôlez sa table… manquez de renverser la tasse… (La maladresse est aussi votre signe distinctif !) Et lisez par-dessus son épaule, sans même vous rendre compte que vous violez son intimité…

bananes, clémentines, beurre, filtres à café, pain, croquettes (pour le chat?!) Et d’un coup d’un seul vous revenez dans la triste réalité de ce bas monde, même les vieilles dames se mettent à casser vos rêveries…

Bon de toutes façons c’est lundi, et le boulot vous attend… avec toutes ces conneries, vous allez finir par arriver en retard ! tasse

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Commentaires
R
arf c'est malin! va falloir qu' j'y retourne demain pour lui piquer son carnet à la tite dame!
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I
si ça se trouve, elle écrit des romans de ouf sur son carnet, derrière ses listes de courses, on sait pas, hein ...
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R
cool! ;-)
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K
Moi j'adore, super !!
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R
Le monde va droit vers l'explosion: tout le monde le sait, tout le monde s'en fout... juste parce que c'est pas pour demain!!!!
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