Notre banc
Quand nous nous retrouvions... dis, tu te souviens ?
J'aimais tellement les odeurs de nos rendez-vous ! Tu crois que c'est
ça, l'odeur du bonheur ? La fragrance acidulée, fraîche et vert pomme,
des mélèzes après la pluie d'été ! et parfois cette bouffée un peu
humide d'une mousse spongieuse. En automne tout craquait sous nos pas !
impossible de nous faire peur en surgissant en silence, à pas de loup,
au détour de ce petit bois des villes.
Dis, tu te souviens ? De
notre banc ? Et ses lattes de bois craquelées par le temps ! Nous
avions un peu peur, tout au début, qu'il ne cède sous nos poids ! Mais
il était vaillant, notre banc. J'arrivais même à y marcher en
funambule, pendant que tu riais de me voir oublier (...)
Non, je ne veux pas en parler, non. Mais j'oubliais, c'est vrai.
Je guettais la lueur dans tes yeux quand tu glissais ta main dans ton
sac. Je trépignais jusqu'à ce que tu me tendes en souriant la poche de
papier tachée de gras. Et le parfum du beignet à l'abricot me faisait
bondir de joie ! Comme j'aimais ces moments là. Sur notre banc.
Le temps sans toi, le temps loin de ta bouche, loin de tes bras, le temps a passé.
Je ne suis jamais revenue sur notre banc. D'ailleurs ce n'est plus notre banc.
Sur ses lattes craquelées gît un amour décomposé, un amour exsangue, qui se dissout dans l'oubli.