Je suis triste
Je suis triste.
Ces mâles assurances de conquérants.
Ces sourires enjôleurs, ces clins d’œil gras.
Elle a déjà bu trop de verres pour continuer à user de son
charme véritable.
Celui de ses mots sublimes.
Elle s’oblige à se balafrer de maquillages vulgaires, et
s’habiller de dentelle vulgaire, à rire de façon vulgaire.
Tout ça n’est qu’un jeu cynique.
Puisque c’est ça qu’ils aiment.
Puisque c’est ça qu’ils veulent.
Puisqu’ils ne peuvent entendre ses mots.
Ses mots sublimes.
Elle va boire encore un peu. Je le sais.
Et quand elle sera suffisamment ivre pour ne pas souffrir
moralement de l’étreinte à venir, pour ne pas sentir leur haleine avinée, pour ne
pas sentir leur sexe tendu d’un désir purement physique, elle embraquera le
porc de l’instant.
Elle glissera sa main vers la sienne, se lèvera et
l’entraînera chez elle, à deux pâtés de maison de ce bar.
Il la soutiendra dans la rue, pour ne pas avoir honte.
Il sourira de ce rictus de prédateur que je hais, une main
sur ces seins, ou dans sa culotte.
Et dans l’ombre de la porte cochère, ombre parmi les
ténèbres, je plongerai mes crocs dans sa gorge.
Parce que moi j’ai lu ses mots à elle.
Ses mots sublimes.
Je la coucherai ensuite, inconsciente, sur son lit défait.
Je la laverai de la souillure qu’elle s’impose.
Je lui parlerai depuis la nuit noire.
Ecris ma belle, écris pour moi.
Ecris moi encore cette aube qui s’élève…